« Viser 100 % équitable, c’est possible ! » - Interview d’Aurélie MANSARD, diététicienne nutritionniste pour la Dordogne

Interview d’Aurélie MANSARD, diététicienne nutritionniste pour la Dordogne

Aurélie Mansard est diététicienne nutritionniste pour le Conseil départemental de la Dordogne et membre fondatrice du collectif Les pieds dans le plat (lien). Elle fait partie d’une équipe de technicien.ne.s qui accompagne depuis 2019 les cantines des collèges du département dans leur transition alimentaire. Aujourd’hui, sur les 35 collèges publics de Dordogne, 12 cantines sont certifiées niveau 3 par le label d’excellence d’ECOCERT (lien) c’est à dire qu’elles proposent aux élèves et aux agent.e.s des établissements une cuisine 100% faite maison, 100% biologique, issue à 60 à 80% de l’agriculture locale et privilégiant au maximum des produits issus du commerce équitable ainsi qu’une cuisine faite maison. Madame Mansard répond ici à nos questions, en faisant un retour sur expérience de cette politique départementale exemplaire. 

« L’achat de produits équitables était une évidence dans le processus de transition alimentaire effectués par les établissements. »

Max Havelaar France : Comment la transition alimentaire s’est-elle mise en place dans les cantines des établissements de Dordogne ? 

Aurélie Mansard (A.M) : C’est d’abord une volonté politique du Président du Département de la Dordogne M Germinal Peiro, puis la mobilisation d’agents de différents services de la collectivité qui interviennent dans les collèges pour mettre en place cette transition. Le plus gros travail est la rédaction des marchés publics afin de permettre aux petits producteurs d’y répondre. Chaque collège a son propre marché pour rester à taille humaine et permettre, grâce à différents leviers, de s’approvisionner le plus localement possible et d’intégrer des produits issus du commerce équitable. Nous avons également une plateforme de producteurs MANGER BIO PERIGORD qui donne accès à un complément de gamme via BIOCOOP RESTAURATION.

 

Max Havelaar France : Pour se faire une idée, de combien de repas parle-t-on en Dordogne ? Proposez-vous des alternatives végétariennes ? 

A.M : En Dordogne, nous avons plutôt des petits établissements autour de 300 à 500 repas, les plus gros établissements font entre 800 et 1000 repas par jour. 

Nous proposons des plats végétariens uniques par semaine ainsi qu’une alternative aux protéines animales tous les jours pour quelques élèves. On estime de 5 à 10% le nombre élèves qui sont végétarien.ne.s. 

 

Max Havelaar France : Quelle est la place des produits équitables dans l’achat des produits par les établissements du département ? 

A.M : L’achat de produits équitables était une évidence dans le processus de transition alimentaire effectué par les établissements. C’est d’ailleurs une condition dès le niveau 2 du label ECOCERT. Les produits équitables Nord-Sud ont été intégrés assez tôt dans les marchés et récemment nous avons introduit des produits équitables Nord-Nord également, notamment sur les légumes secs et la farine. Globalement, on arrive aujourd’hui à atteindre 4 à 5% du montant total des achats en produits commerce équitable dans les « établissements 100% bio » du département. 

 

  • Exemple ci-après des denrées bio-équitables et de leurs coûts sur l’année 2022 pour un établissement servant 600 repas :

 

 

Max Havelaar France : Pouvez-vous nous donner des exemples des produits issus du commerce équitable achetés par vos établissements ? 

A.M : Sur les produits équitables phares, on peut citer le chocolat, le sucre, le café et le thé pour les agent.e.s, les bananes, les fruits exotiques, les légumes secs et la farine qui sont à 100% issus du commerce équitable. Une certaine partie de notre riz, quinoa et graines oléagineuses sont également issus du commerce équitable. En revanche, le lait n’est pas issu du commerce équitable car nous travaillons avec les filières locales en lait de foin et une livraison de lait frais est effectuée une fois par semaine.

Max Havelaar France: Quel est, selon vous, le plus grand frein à la généralisation des produits issus du commerce équitable dans la restauration collective dans d’autres collectivités ? 

A.M : La grande difficulté réside selon moi dans la méconnaissance du commerce équitable par les gestionnaires et les équipes de cuisine. Il y a un réel besoin de formation et d’identification des produits. Pour nous, ce qui a facilité la démarche est l’acquisition d’un nouveau logiciel de gestion pour les collèges qui permet d’identifier plus facilement les produits, de mieux accompagner les collectivités et de les aider dans leur transition vers une commande publique plus équitable. 

 

« La grande difficulté réside selon moi dans la méconnaissance du commerce équitable (…) Il y a un réel besoin de formation et d’identification des produits. »

Max Havelaar France: Quel est l’impact de cette politique alimentaire sur les coûts d’achat des produits alimentaires pour les cantines ? Comment les maîtriser sans que cela n’empiète sur les prix du repas pour les collégien.ne.s ? 

A.M : La peur de l’augmentation  trop importante des coûts d’achat et donc de l’impossibilité à maîtriser les prix des repas est en effet la réaction première lorsque l’on présente une politique alimentaire faite maison,  biologique, locale et équitable pour la restauration collective. 

Toutefois, en Dordogne cette transition alimentaire n’a pas entraîné une augmentation des coûts pour les familles des élèves. Le coût du repas est resté stable, compris entre 1 euros 75 à 2 euros 20. De la même manière, les coûts de production sont restés constants car il est primordial que cette politique n’affecte pas la juste rémunération des producteur.rice.s.  La maîtrise des coûts se fait donc essentiellement par l’amélioration de la qualité des repas qui sont proposés, d’où l’importance accordée par le Département à l’accompagnement des établissements dans l’achat de leurs produits et dans l’élaboration des repas. En effet, lorsque l’on travaille qualité, on réduit les quantités. Par exemple, lorsque l’on utilise un chocolat équitable moins dosé en sucre pour réaliser un dessert, il est plus fort en saveur et donc les quantités de chocolat nécessaires sont réduites. 

« En Dordogne cette transition alimentaire n’a pas entraîné une augmentation des coûts pour les familles des élèves. Le coût du repas est resté stable, compris entre 1 euros 75 à 2 euros 20. »

Ainsi, cette transition nécessite un travail de formation des agent.e.s (réalisation de fiches techniques…) afin d’augmenter la qualité des repas ainsi qu’un investissement matériel (entre 70 000 et 100 000 euros ont été investis) afin de retravailler les produits et d’éviter le gaspillage (investissement dans des cellules de refroidissement par exemple). 

Publié le 25/07/2023